Évidement terminer une telle épreuve de running dans un bel endroit, un lieu prestigieux et déjà symbolique pour tant de moments de sport, était un attrait certain pour nombre de coureurs. Mais il y a aussi une autre différence avec le Semi de Paris, qui avait lieu juste une semaine auparavant : la volonté affichée par les organisateurs d’en faire un rendez-vous éco-responsable. Voici comment cela s’est passé à mon humble niveau.
La veille de ce semi-marathon, j’avais fait, le matin, une dernière sortie de 8 km à un rythme plutôt lent de 5’23/k mais elle m’avait un peu fatigué et laissé mes jambes engourdies jusque tard le soir. En fait, j’avais prévu de faire cette dernière séance d’entraînement l’avant-veille du semi. Mais je n’ai pu tenir ce plan. Et ne voulant absolument pas que la dernière séance soit le fractionné effectué quatre jours avant ce semi, j’ai donc pris le risque de faire cet entraînement moins de 24 heures avant cette Grande course du Grand Paris.
Les participants à cet événement ont le choix entre un 10 km, qui part de la Place de la République à Paris et un semi-marathon, qui lui démarre juste à l’extérieur de l’Hippodrome du Bois de Vincennes. Les deux courses ont la particularité de terminer au fameux Stade de France, à Saint-Denis. Oui, Ze Stade qui a consacré les Bleus de Jacquet (le bien nommé Aimé) en 1998 (j’y étais!), entre autres moments mémorables du sport (et au-delà). Ce n’est pas banal pour un coureur lambda de faire une partie de sa course au Stade de France : n’est pas Usain Bolt qui veut. Ze Champion a couru aussi dans cette enceinte (j’y étais, dans un meeting, en 2010). Donc ce lieu d’arrivée est une marque qui différencie cette course au Semi de Paris, qui avait lieu juste une semaine auparavant. Si la Grande course du Grand Paris traverse une partie de Paris, de son 12ième arrondissement, jusqu’au Canal Saint-Martin qu’elle longe, en passant par Jaurès, elle a la particularité de traverser le Périphérique. On peut dire aussi « aller en banlieue », pénétrer dans le « 93 », le département de Seine-Saint-Denis, où se trouve le stade déjà devenu trésor national. L’autre marque de cette Grande Course du Grand Paris, c’est d’avoir déclaré la chasse au gaspi, la volonté affichée d’être une épreuve éco-responsable, de limiter la quantité de déchets. Par exemple, au ravitaillement, l’organisation proscrit les bouteilles en plastique. A la place, des gobelets. Les coureuses et coureurs doivent les balancer ensuite dans une large poubelle : il est prévu, parait-il, de les laver par la suite pour qu’ils soient réutilisés dans d’autres courses. Autre particularité de cette course, c’est-ce qui est remis ou non aux participants. Pas de tee-shirts. Ils seraient, se justifie l’organisation, fabriqués très loin de France, et donc leur empreinte carbone trop élevée. Pas de médaille en métal non plus. Mais une médaille en bois, avec collée dessus une graine à faire germer.
L’année dernière, j’avais fait le Semi-marathon de Paris. Comme il s’agissait d’une boucle, la remise à la consigne de mon sac, contenant une veste et un haut supplémentaire portés avant et après la course, était une affaire plus simple. Avec cette Grande course il fallait réserver sa consigne (option payante) et venir au plus tard trois quart d’heure avant la course pour déposer son sac, afin qu’il puisse être transporté de Vincennes au Stade de France. Trois quarts d’heure cela me paraissait trop tôt, surtout pour un matin de mars que je craignais froid et surtout pluvieux et venteux comme l’ont été les jours précédents. J’ai alors décidé, mais visiblement je n’étais pas le seul, de m’équiper avec un gilet de trail, en l’occurrence le CamelBak Ultra Pro 7 L (testé ici sur HTO). L’autre raison, c’est que je voulais avoir suffisamment d’approvisionnement sur moi pendant ma course (notamment de la boisson contenant du sel). Était-ce exagéré ou non, mais l’impression que j’avais eue en visionnant des vidéos de précédentes courses de la Grande Course, c’était que les ravitaillements étaient spartiates, pour ne pas dire autre chose.
Je suis arrivé donc au Bois de Vincennes ce dimanche matin en mode quasi trail. A part mes chaussures, car j’allais courir avec les Altra Vanish Tempo dont je viens juste de terminer le test (ici sur HTO) et avec lesquels je me suis entraîné quand même depuis plusieurs mois sur route. Le terminus du bus n’était pas éloigné. J’ai couru ensuite plusieurs centaines de mètres pour arriver à l’extérieur de l’Hippodrome. Pratique pour s’échauffer, faire monter le cardio, afin de ne pas perdre trop de temps en début de course. Car je me pointe aux environs de 10h00, heure programmée pour lancer la course. Finalement, il ne fait pas froid (sur le chemin j’avais déjà glissé ma veste dans le Camelbak), le ciel est bien gris mais il ne pleut pas. Je ne me presse pas pour pénétrer dans le sas de départ. Les coureuses et coureurs, sous les bons mots du speaker et la musique, s’avancent cependant. Sourires et tranquillité apparente. Je franchis la ligne de départ à 10h21.
Ça descend
Comme nous nous éloignons, je ressens un grand calme. Les pas de ce monde parti pour un semi font à peine du bruit. Impression curieuse, mais agréable. D’autant plus que ce début de course est assez roulant. Certes, il faut se frayer son chemin, dépasser les gens sur le côté. Et surtout la route descend! J’avais pris un passe pour un sas de 1h55 mais je comptais bien faire moins. L’année dernière, alors que je courais avec une douleur à la cheville, j’avais fini au-dessous de 1h56. J’aimerais pouvoir faire aujourd’hui 1h45, soit un rythme de 5’/km. Mais cela sera difficile, ma préparation, du fait entre autres d’une entorse au pied il y a quelques semaines, n’a pas été très bonne. Mais après 10 minutes, j’ai couru 2 km. A partir de 10 minutes, j’ai un peu accéléré. Cela me semble assez facile, à courir aux environs de 4’45. Attention, il ne faudrait pas que je m’emballe. Ce n’est que le début et je sais que mon challenge sera d’éviter les crampes vers la fin de la course. Je me rappelle du Semi-marathon de Paris de 2022 (dont le retour d’expérience est ici sur HTO)… Mais j’ai fait récemment deux autres semi-marathons sans dossard et de nuit (dont le compte-rendu d’un des deux est ici sur HTO). L’allure étaient plus lente cependant. Globalement, cette partie dans le Bois de Vincennes est particulièrement roulante, donc c’est le lieu où il faut gagner du temps! Vers 10h45, nous quittons la verdure pour tambouriner la route.
Au kilomètre 5, le premier ravito, sous un pont. La première table est dégarnie. Les gobelets en plastique sont éparpillés. J’ai du mal à voir lesquels sont remplis. On dirait aucune. Je suis obligé de piétiner, de faire peut-être un ou deux pas en arrière pour attraper un gobelet que finit de me tendre un jeune homme chargé de l’approvisionnement. Je prends vite un morceau de chocolat et une tranche d’orange. Y a-t-il eu une razzia avant mon arrivée? Ou ce premier ravitaillement confirme-t-il ce que j’ai compris des avis de précédents participants de la Grande Course. Qu’importe, je bois mon eau et déjà à quelques mètres se trouve l’espèce de container dans lequel il faut lancer le gobelet. Y pensant par la suite pendant la course, je me demande s’il n’aurait pas fallu éloigner de plusieurs dizaines de mètres ce container de gobelets? Afin de donner plus de temps aux coureurs pour boire. A mon avis, il est trop proche.
Bref, il reste encore beaucoup de chemin à faire. La comparaison avec le Semi-marathon de Paris est inévitable. Le parcours de la Grande Course du Grand Paris, dans les rues de la capitale, fait d’avantage de zigzags. Même s’il passe évidemment par certains grandes artères.
Canaux
Ainsi, c’est le boulevard Voltaire, qui accueille la marque du 10ème kilomètre. A un moment donné, je vois et entends deux boulangères, derrière leur comptoir, saluer et applaudir les coureurs. Sympa.Un autre ravitaillement arrive dans ces eaux-là. Saisis un autre gobelet (d’eau). Et quelques abricots séchés.
Heum, je ressens une tension au niveau du quadriceps gauche, sur le côté.
Le cortège continue le long du Quai de Valmy, et nous courons donc juste le long de ce beau Canal Saint-Martin. Après avoir ralenti, j’élève un peu mon allure à 4’55-5’/km. A environ 12,4 km, un groupe de musiciens met de l’ambiance. Il y a du soleil. Cela pourrait être très bien mais je commence à ressentir de la fatigue.
A Stalingrad, les décibels envoyés par un groupe de musique sont plus intenses. C’est vraiment un passage animé. Devant vont nous accueillir les bords du Bassin de la Villette, puis, sur une courte distance, le Canal de l’Ourcq, avant que n’arrive le Canal de Saint-Denis. Mais pour le moment, j’en suis à environ 1h06 de course.
Dommage, quelques minutes plus tard, après 14,3 km, apparaissent les premiers signes de crampes au mollet gauche. Je sens qu’il va falloir gérer la fin de cette course de manière prudente.
Ça monte et ça crampe
Après le ravitaillement du 15ème kilomètre, je vois sous un petit chapiteau un duo de jazzmen. J’apprécie, reconnais un standard et crie « Sonny Rollins », croyant en reconnaître l’auteur. Mais je doute avoir donné le bon nom. La deuxième crampe, elle, ne me rate pas. Elle s’en prend au même mollet gauche dans la montée d’une passerelle qu’un esprit malin a décidé de faire zigzaguer.
Peu après, nous quittons Paris. Nous sommes en Seine-Saint-Denis. Nombre de coureurs de cette Grande Course du Grand Paris seront d’accord avec moi, les derniers kilomètres de ce semi ne sont pas faciles. Pas seulement parce que la fatigue est là mais aussi parce que les montées (et les descentes) se multiplient. Un peu comme les quais de la capitale à la fin du Semi de Paris. Ici, c’est le Stade de France que l’on aperçoit depuis un certain temps. Il paraît proche mais nous nous demandons pourquoi nous ne prenons pas le chemin le plus court pour y pénétrer! Or, entre nous et l’entrée dans l’enceinte, il y aura quelques dénivelés à subir encore. Et, pour ma part, plusieurs crampes, encore une fois.
Car je ressens aussi un début d’agitations au niveau de la jambe droite. Heum, heum… Quelques minutes plus tard, mon pied semble ne plus pouvoir dérouler comme d’habitude. Souple comme une enclume, il percute le sol. Et arrive alors ce qui, de mémoire, ne m’est jamais arrivé pendant une course : mon pied droit se recroqueville. J’ai à ce moment redouté devoir m’arrêter. J’ai grimacé, ma course aussi. Cela faisait déjà longtemps que mon allure avait baissé, une façon de garder une chance de terminer quand même la course sans devoir marcher. Mais heureusement, le pas qui allait vers la marche poursuivit la course. Quelques mètres après cette crispation du pied, un homme, debout à coté de ce qui semblait être de groupe de gwoka (la musique antillaise faite de percussions), lançait en direction de nos corps et âmes marqués par la souffrance « bravo, bravo, allez, allez ». Il ne pouvait en être autrement, nous allions continuer bien sûr, c’était notre volonté. Il faudra encore plusieurs minutes pour voir devant nous une entrée du stade.
Ze place
A 12h06, je rentre dans l’antre du Stade de France après environ 1h45 de course. Avant de revoir le jour, nous traversons un tunnel. Je n’arrive plus à faire les réglages sur mon smartphone, que j’ai brandi tellement de fois pour prendre des images, surtout des photos mais aussi plusieurs vidéos. Les photos sont floues. Ce ne sont plus les crampes qui me ralentissent mais surtout mes manipulations pour obtenir les réglages adéquats au sortir du couloir. Nous nous retrouvons à l’extérieur.
Je ne suis pas le seul évidemment à vouloir prendre en images ce moment. Je m’obstine à vouloir réussir l’exposition. ISO et vitesse d’obturation semblent patiner pendant que je fais une partie du tour du stade. Puis nous atteignons effectivement la piste, le tartan lui-même. A quelques dizaines de mètres, la ligne d’arrivée. Contrairement à d’habitude, je n’accélère pas vraiment. Pas par manque de jus. J’essaye encore de prendre la bonne photo… Pendant tout ce temps, le speaker donne de la voix pour animer ces moments. Je termine. En moins de 1h49. A 4 minutes de la moyenne de 5’/km. Les photos, mais surtout les crampes, ont eu raison de moi. Pourtant, je ne suis pas mécontent. L’ambiance est bonne. Les bénévoles bienveillants. Dommage, il n’y a pas beaucoup de monde dans les gradins. L’accès était gratuit pour les accompagnants, à condition d’être inscrits en ligne au préalable.
Nous retrouvons d’autres gobelets. Cette fois, j’ai tout le temps pour boire et reboire. Plus haut, dans les tribunes, je récupère ma médaille, en bois. Elle est belle, le travail de coupe est soigné.
Plus haut encore, dans les coursives il y a une zone de ravitaillement. Il n’y a pas grand-chose. Des quartiers de pommes brunies et de poires. Quelques tranches d’orange. C’est quoi dans ces bols, des fruits secs? Une coureuse vient se plaindre de cookies qu’elle a vus à une autre table découpés en mille morceaux. « Nous ne sommes pas des animaux », dit-elle. Le ravitaillement, à mon avis, au vu des autres courses, est l’un des points faibles de cette organisation. Autrement, le parcours, est original. Tout comme certaines actions environnementales, par exemple la récupération après la course des puces de suivi afin d’être recyclées. Cette course mérite grandement sa place à côté de l’autre semi-marathon, celui de Paris. Cette Grande Course du Grand Paris est une épreuve plus jeune. Une petite pousse qui, si elle est soutenue, pourra embellir et attirer plus d’adeptes. Peut-on imaginer un Stade de France plein d’un public populaire où arriveraient des dizaines de milliers de coureuses et des coureurs de tous niveaux?
Moctar KANE.
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